
Deux mots pour commencer
Depuis son émergence dans les années 90, l’intelligence économique a suscité un intérêt mesuré au sein de l’État et des opérateurs économiques français. Pudeur, crédulité, sensibilité ? De nombreuses pistes expliquent la fébrilité ambiante des entreprises hexagonales sur le sujet. Pourtant, au-delà des fantasmes, il est nécessaire d’étudier en détail l’intelligence économique, ses effets et ses ressorts afin d’en mesurer les avantages considérables pour nos TPE-PME.
Les grandes sociétés commencent timidement à se doter de services destinés à protéger leurs intérêts tandis que les plus petites démontrent vis-à-vis de cette discipline une méconnaissance saupoudrée d’indifférence. Aussi, avant toute chose, commençons par délimiter le cadre de notre réflexion en définissant précisément ce qu’est l’intelligence économique et ce qu’elle procure aux acteurs qui la pratiquent sur le marché.
Qu’est-ce que l’intelligence économique ?
Structurée au niveau mondial à compter de l’âge industriel, l’intelligence économique se définit comme : « L’activité de production de connaissance servant les buts économiques et stratégiques d’une organisation, recueillie et produite dans un contexte légal et à partir de sources ouvertes »[1]. Loin des idées reçues sur des pratiques secrètes et inavouables, l’intelligence économique se distingue du renseignement en ce qu’elle fait appel à des dispositifs légaux.
En d’autres termes, elle est une série de méthodes destinées à connaître son marché dans un cadre défini par le principe de loyauté. Il ne faut pas s’y tromper cependant. Même hors des constructions mentales qu’elle a pu provoquer, l’intelligence économique reste une matière passionnante, pleine d’avenir, de promesses et d’ambition.Elle offre à l’entreprise qui la pratique le luxe de l’anticipation et permets la détection des nouveaux acteurs, des nouveaux outils, des nouvelles pratiques concurrentielles, des nouveaux segments de clientèle. De façon assez précise, l’intelligence économique se découpe en 3 parties. La veille concurrentielle, la protection des données sensibles et l’influence de l’entreprise sur son secteur.
Les trois piliers de l’IE
La veille concurrentielle :
Pratique pourtant indispensable, peu d’entreprises le font réellement. C’est de cette dernière que naissent les stratégies, les anticipations et la maîtrise des pratiques concurrentielle[2].
La veille spécifique à ce champ renvoie à une véritable étude de marché à laquelle auront été préalablement attribués des axes de recherche. Elle inclut toutes les formes de concurrences.
De l’entreprise vendant les mêmes produits ou services, aux technologies en développement qui, à terme, s’accapareront des secteurs d’activité entier via l’IA par exemple, la veille concurrentielle s’intéresse également aux mouvements internes chez les concurrents. Les équipes, les fournisseurs, les partenaires.
Plus l’entreprise est renseignée sur son marché plus elle supportera les évolutions qui lui font face. Dès lors, la veille ne se limite pas à de longues heures de lectures derrière son bureau. Elle aussi peut être palpitante !
La protection des données sensibles :
Dans l’approche de l’intelligence économique, il est impossible de faire l’impasse sur la protection de ses propres données, et ce, au-delà du règlement RGPD. Là encore, les données dont nous parlons ne se limitent pas aux dessins brevetés ou aux marques déposées. Elles vont bien plus loin que cela. Il convient en ce sens d’évaluer son entreprise, de former le personnel, de classier les données sensibles et de développer un plan d’action pour la protection des intérêts[3].
Ceci va notamment jusqu’au process qui sont une mine infiniment précieuse d’information sur une entreprise. Le personnel l’est plus encore tout comme les projets en cours. L’intelligence économique, d’autre part, accorde une importance particulière à la protection du système d’information (SI) interne à l’entreprise.
En cette période de trouble où les cyberattaques redoublent, une société équipée contre le vol de données sera avantageusement positionnée sur le marché.
L’enseigne Camaïeu pourrait en témoigner[4]).
5’influence sur les acteurs :
Plus subtile, mais pas moins essentielle, l’influence renvoie à la capacité de l’entreprise à maîtriser ses interactions avec ses interlocuteurs. L’entreprise, par ce biais, va gérer son image, influencer les comportements des partenaires, des clients et, pour les plus grandes d’entre-elles, parfois même le pouvoir politique. L’influence est le troisième pilier sans lequel les deux autres n’offriraient pas les mêmes garanties. Imaginez une entreprise qui connaîtrait son marché par cœur, protégerait parfaitement ses données, mais n’agirait pas sur les acteurs. Les autres piliers ne seraient pas très utiles finalement. L’influence permet non seulement d’agir sur le marché, mais plus encore, avec intelligence et stratégie[5].

Comment s’y mettre ?
Pour commencer, il est recommandé de se renseigner sur l’intelligence économique par ses propres moyens. Commencer par ces mots n’est pas très vendeur c’est vrai mais c’est aussi honnête. Le ou la cheffe d’entreprise peut mettre en place des éléments très simples pour débuter ce travail de lui ou d’elle-même. Cette pratique permet aux spécialistes extérieurs d’intervenir sur les champs plus complexes ou des secteurs d’activité qu’il est cohérant de d’externaliser afin de ne pas surcharger le personnel. Agir ainsi permet la réduction des coûts pour l’entreprise et l’acquisition d’un service à forte valeur ajoutée en toute intelligence avec les exigences d’une bonne gestion.
[1] « Organizational Intelligence: Knowledge and Policy in Industry and Government », American sociological Review, février 1968
[2] MALICORNE David et KAHN Alexandre, 17 avril 2024, « La veille, première brique de l’intelligence économique, PME-ETI
[3] Crawl, 5 septembre 2019, « Protection de l’information, est-on toujours assez prudent ? »
[4] MARTINAGE Xavier, 09 juin 2021, « L’enseigne Camaïeu ciblée par une cyberattaque », Capital.fr
[5] HARBULOT Christian, MORGNY Arnaud, MOINET Nicolas, 12 juillet 2023, Extrait du rapport d’information du Sénat de Mme Marie Noëlle Lienemann et M. Jean-Baptiste Lemoyne « Anticiper, adapter, influencer : l’intelligence économique comme outil de reconquête de notre souveraineté »